CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE

24 novembre 1999-Droits de l'enfant: des avancées à petits pas
" Aidez-nous nous souffrons énormément en Afrique, nous avons des problèmes et quelques manques au niveau des droits de l'enfant. Au niveau des problèmes, nous avons la guerre, la maladie, le manque de nourriture, etc. Quant aux droits de l'enfant, c'est en Afrique, et surtout en Guinée nous avons trop d'écoles mais un grand manque d'éducation et d'enseignement. Sauf dans les écoles privées où l'on peut avoir une bonne éducation et un bon enseignement, mais il faut une forte somme d'argent. Or, nos parents sont pauvres et il leur faut nous nourrir (...) ".
Ces mots sont ceux de deux jeunes clandestins. Yaguine et Fodé avaient le rêve d'étudier " chez nous ", pour avoir une chance de s'en sortir " chez eux ". Le rêve s'est transformé en cauchemar, dans la carlingue d'un avion belge, dans laquelle ils avaient embarqué clandestinement. Morts de froid, en plein vol entre l'Afrique et l'Europe, ces enfants guinéens n'ont laissé derrière qu'un appel au secours.
Aujourd'hui, " la Convention des droits de l'enfant a 10 ans, et elle ne les fait pas ", a lancé Amnesty International. Le constat est dur mais se justifie à plus d'un titre. Pourtant la Convention internationale des droits de l'enfant constitue en soi une avancée. Elle a consacré l'enfant comme sujet de droit. Elle a aussi suscité une vaste réflexion sur l'enfance, au niveau des opinions publiques, des gouvernements et des cercles politiques internationaux.
La Convention des droits de l'enfant est aussi le texte international qui a été ratifié par le plus grand nombre d'Etats, davantage que la Convention des droits de l'homme. Adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, elle l'a ensuite été par 191 pays. Les 54 articles reprennent une série de droits civils, politiques, mais aussi économiques, sociaux et culturels : droit à la vie, au développement, au bien-être, à l'enseignement, à la santé, à la sécurité sociale, au logement, à la non-discrimination, etc. Fruit d'âpres discussions, la convention a permis des progrès significatifs, essentiellement dans les domaines de l'éducation et de la santé.
Malgré les avancées encourageantes, le bilan est toutefois mitigé. Il reste pas mal de pain sur la planche. Deux pays n'ont toujours pas ratifié le texte : la Somalie et les Etats-Unis. La sévérité des " States " à l'égard de jeunes délinquants est vraisemblablement un des motifs de la non-ratification. 76 jeunes, ayant dépassé 18 ans, se trouveraient actuellement dans les couloirs de la mort pour des meurtres commis lorsqu'ils étaient mineurs.
Autre " point noir " : la convention est largement ignorée par nombre des 191 signataires. L'inaction et la faiblesse des budgets alloués aux besoins élémentaires des enfants restent ainsi des fléaux de taille. La pauvreté, la diffusion du virus du sida et les conflits armés entravent le respect du premier droit des enfants : le droit à la vie. " Quelque 32 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque jour pour des raisons qui peuvent être évitées ", a rappelé la directrice générale de l'Unicef.
Dans ces conditions, le dixième anniversaire de la Convention des droits de l'enfant est surtout l'occasion de rappeler qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, beaucoup de lacunes à combler, beaucoup de défis à relever, pour que les rêves des enfants ne se transforment plus en cauchemar, dans les carlingues des avions, sur les champs de bataille ou dans les trop nombreux mouroirs que compte la planète.

©Laurence Jamotte, 1999.