CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE

12 Janvier 2000-Europe-159 millions d'immigrés d'ici l'an 2025
L'Europe va devoir accueillir 159 millions d'immigrés d'ici l'an 2025, si elle veut maintenir l'équilibre actuel entre actifs et retraités, et éviter l'effondrement des systèmes de retraite. Telle est la conclusion choc d'un rapport préliminaire intitulé "Migrations de remplacement : une solution aux populations en déclin et vieillissantes", émanant de la division "population" des Nations Unies.
Les contrées européennes sont en effet les plus touchées, parmi les pays industrialisés, par le vieillissement de la population. Avec pour conséquence notamment que les cotisations payées par les travailleurs couvriront de plus en plus difficilement les prestations de retraite octroyées aux pensionnés. Si rien ne change, près de la moitié de la population européenne aura atteint l'âge de la retraite en 2050, tandis que la proportion de personnes de moins de 59 ans aura baissé de 11%. L'Europe risque alors de voir son niveau de vie baisser et sera incapable de fournir un même niveau de prestations sociales. Pour assurer la viabilité du système socio-économique, d'autres pistes que le recours aux travailleurs immigrés seront sans doute utilisés : augmentation de l'âge de la retraite et des cotisations des travailleurs, diminution des bénéfices octroyés aux retraités.
Mais la solution préconisée par les auteurs du fameux rapport, c'est à dire ouvrir les frontières, fait d'avantage sensation. Elle bouleverse les discours ambiants et la politique actuelle des états. Si à l'intérieur de l'Union on a l'habitude des frontières ouvertes, de l'extérieur, le Vieux continent ressemble à une forteresse. Ainsi, depuis plusieurs années, dans les discours populaires et politiques, on stigmatise les populations d'origine étrangère, accusées de manger le pain des "nationaux", on considère les immigrés comme une menace, on opère une corrélation entre immigration, chômage, voire criminalité, on enferme la problématique des migrations dans un carcan sécuritaire, on crie qu'il est impossible d'accueillir toute la misère du monde, on vante les mérites du chacun chez soi, on mobilise les moyens humains, les instruments juridiques et le matériel technologique pour fabriquer une Europe hermétique.
Aujourd'hui, voilà que l'immigration est envisagée par l'ONU comme plan de sauvetage contre le papy boom. Bien qu'il considère l'immigration uniquement en tant que nécessité liée au marché de l'emploi, le rapport préliminaire a au moins le mérite de rouvrir le débat de l'immigration sur une note moins négative. Reste aux hommes politiques et aux citoyens européens à s'immiscer dans la discussion, sans céder aux positions électoralistes, démagogique ou populiste, en se rappelant que l'histoire même de l'humanité est faite de migrations.

©Laurence Jamotte, 2000.