CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE

19 Janvier 2000-Egypte: vers plus d'équilibre dans les rapports hommes/femmes?
Modifier le code de statut personnel ? En terre d'islam, toucher à ce qui concerne la famille constitue une opération délicate. Le Parlement égyptien a pourtant commencé à se pencher sur un projet de loi présenté par le gouvernement sur le statut personnel et les affaires touchant à la famille. L'assemblée populaire devrait connaître ces prochaines semaines des débats animés.
Selon le projet, les procédures judiciaires permettant l'accès des femmes au divorce devraient être simplifiées et plus rapides. Tout en élargissant le droit au divorce, la loi, grâce à ces simplifications, devrait désengorger les tribunaux qui examinent actuellement 500 000 cas de divorce par an.
Alors que, traditionnellement dans l'islam, la rupture du mariage est une prérogative exclusivement masculine, l'article 20 du projet de loi donne à l'épouse le droit au divorce en contrepartie de sa renonciation à une pension alimentaire et à la restitution de sa dot à son époux. L'article porte évidemment à controverse. Les plus traditionalistes y sont opposés. D'autres font remarquer que cet accès des femmes au divorce est fortement limité pour celles qui ne travaillent pas. En plus de la réprobation sociale à laquelle elles seront exposées, les femmes risquent d'être sans ressources, voire à la rue.
Autre sujet soumis à contestation : l'autorisation de voyage accordée par le mari à son épouse. Pour le moment, les femmes ont besoin de l'autorisation écrite de leur mari pour quitter le pays et renouveler leur passeport. Si le projet devient loi, cette question sera tranchée par les tribunaux de première instance. Mais là aussi, le projet a ses limites. Ainsi, le Caire ne compte que deux tribunaux de première instance pour une population de 16 millions d'habitants.
Introduire plus d'équilibre dans les droits et devoirs des conjoints reste un exercice périlleux. On se souvient de l'âpre débat suscité par l'abrogation de la loi " Jihane ", il y a plusieurs années. Une fois encore, le projet se heurtera à de vives résistances de la part des courants islamistes et conservateurs, dans un pays où le machisme est fort répandu. Les femmes, soumises à la " violence du verbe et du geste ", seront obligées de poursuivre leur " lutte " pour la reconnaissance de leurs droits. La loi n'étant pas la panacée, surtout quand elle est limitée concrètement par des obstacles de type économique, social ou pratique, il y a fort à parier que les femmes devront s'armer de patience. Mais en Egypte comme ailleurs, rien n'est figé, l'évolution des mentalités est possible.

©Laurence Jamotte, 2000.